THE CHARLES BURNETT COLLECTION

A l'instar de cinéastes comme WILLIAM GREAVES, LARRY CLARK, ou WARRINGTON HUDLIN, CHARLES BURNETT s'inscrit comme l'un des pionniers oublié du septième art afro-américain indépendant, un genre très en marge du système hollywoodien que l'intelligencia des cinéphiles se devait de réhabiliter de toute urgence. Il aura fallu ainsi attendre trente années, pour que le très confidentiel KILLER OF SHEEP (1977), premier long métrage de BURNETT, se voit finalement offrir une large distribution en salle aux USA, à la juste mesure de sa très bonne réputation.
Milestone s'est chargé dans la foulée d'éditer un double DVD, où KILLER OF SHEEP se voit accompagné d'une sélection de films particulièrement représentatifs de l'univers très riche de l'artiste qui inventa le cinéma néo-réaliste afro-américain. Ce sont donc quatre courts métrages (incluant son tout premier essai SEVERAL FRIENDS 1969), ainsi que le second long métrage du réalisateur, MY BROTHER'S WEDDING (un film de 1983, proposé ici sous deux montages), qui viennent enrichir un package unique en son genre.
Sobre à l'extrême dans son propos, et détaché de toutes considérations commerciales, le cinéma sociologique de CHARLES BURNETT, qui se veut être une anti-thèse de la blaxploitation, nous montre à la façon d'un documentaire, la vie dans les banlieues noires de L.A., dans sa forme la plus réaliste, à des années lumières des fictions romancées mettant en vedette des personnages de gangsters glamours. Le réalisateur, en véritable ethnologue, évite ainsi la facilité de tomber dans le mélodrame, et nous offre aux travers de scènes de la vie courante des habitants des quartiers de Watts, une vision toujours très humaine du ghetto, sans jamais céder à aucun artifice narratif trop facile. L'oeuvre pleine de sincérité de BURNETT, pouvant sembler au premier abord un peu ardue et dépressive, nous offre aujourd'hui l'un des rares témoignages cinématographiques non biaisés, décrivant avec la plus grande justesse les conditions de vie des noirs américains dans les faubourgs populaires de la cité des anges, à l'aube des années 80. Un cinéma de toutes les franchises, à découvrir en toute simplicité, avec un regard neuf, débarrassé de tous stéréotypes et préjugés...

SESAME STREET OLD SCHOOL 1969-79

Après presque quarante années de présence sur le petit écran américain, l'une des plus populaire émission destinée aux enfants, méritait bien qu'on lui consacre sa petite rétrospective. C'est chose faite, avec les deux coffrets DVD sortis chez Genius Entertainment, qui compilent avec une certaine malice le meilleur des 10 premières saisons (1969-79) d'un programme qui aura très largement contribué par sa pédagogie à faire tomber les barrières du racisme et de l'intolérance aux Etats Unis. Rappelons que SESAME STREET (qui propose une version assez différente de l'adaptation 1 RUE SESAME qui fit les beaux jours de la télévision française à la fin des années 70) avait offert, dès la fin des années 60, la reconnaissance aux minorités noires et hispaniques des classes populaires, une véritable révolution dans le paysage audiovisuel US de l'époque.
Les épisodes pilotes des 10 premières saisons, longs d'une heure, sont ici proposés dans leur intégralité, accompagnés d'une très large sélection des meilleurs moments de la série. Des cartoons et des animations rétros destinés à apprendre à compter et à lire aux plus jeunes, alternent ici avec des petits reportages éducatifs et des sketchs comiques, mêlant acteurs (incluant le très populaire Gordon alias ROSCOE "WILLIE DYNAMITE" ORMAN) et marionnettes créées par le grand JIM HENSON. Dès les premières années de l'émission, à l'instar de Kermit la grenouille, on a donc la surprise de redécouvrir ici quelques personnages qui figureront par la suite au générique du fameux MUPPET SHOW, dont l'humour dévastateur est largement annoncé dans certaines parodies jouées par ces puppets déjantées. Mais au final ce sont toujours les gentilles stars pelucheuses du show, Ernie & Bart, Cookie Monster et Grover, qui volent invariablement la vedette au sympathique batracien, en nous réservant les meilleurs gags et les parodies les plus hilarantes (voir par exemple le sketch où Cookie Monster imite ISAAC HAYES, pour une relecture très personnelle de SHAFT). Et comme si celà ne suffisait pas, de nombreux guests viennent pimenter le programme, au nombre desquels on citera PAUL SIMON, LENA HORNE, BILL COSBY, RICHARD PRYOR, HENRY WINKLER et RON HOWARD de la série HAPPY DAYS, JESSE JACKSON (qui nous replonge ici dans l'univers militant de WATTSTAX avec son fameux "I am somebody"), les POINTER SISTERS, RAY CHARLES, JAMES EARL JONES, JOHNNY CASH, le groupe de gospel soul LISTEN MY BROTHER, LOU RAWLS, RICHIE HAVENS, MADELIEN KAHN, JACKIE ROBINSON, BATMAN & SUPERMAN (dans leurs versions cartoons), les acteurs de la série BONANZA, et des échappés du programme humoristique LAUGH-IN...
Ces deux rééditions DVD très bien conçues achèveront donc de vous convaincre qu'il n'est jamais trop tard pour retomber en enfance....

GRINDHOUSE UNIVERSE

Ban1 Productions, le petit éditeur indépendant qui avait lancé la toute première compilation de bandes annonces 42nd Street (une collection aujourd'hui reprise par Synapse), revient avec un tout nouveau disque proposant une des plus longue sélection de trailers bis vintage jamais couchée sur support DVD; soit un programme de 2h40 qui ravira tout autant les fans de films d'horreur, les férus de blaxploitation (signalons du très rare ici avec HONKY, BLACK ANGELS et SWEET JESUS PREACHERMAN), les amateurs de films de bikers, les collectionneurs de nudies, les drogués de documentaires mondos, et plus généralement, tous les adeptes d'un cinéma d'exploitation où toutes les excentricités semblent permises (warf... Ce DOBERMAN GANG...).
En comparaison avec la collection 42nd Street, les menus de ce DVD Grindhouse Universe frisent certes un peu l'amateurisme, et on notera également que certaines trailers proposées ici sont particulièrement sombres, mais eu égard à la rareté d'un grand nombre de ces films publicitaires (pris directement sur les bobines cinéma), qui sont visibles ici pour la toute première fois en vidéo, voilà bien deux défauts que l'on qualifiera de très mineurs, pour un DVD limité à seulement 1000 exemplaires, qui sera certainement très vite appellé à devenir collector.
Le DVD contient les bandes annonces suivantes : Horror House, Curse Of The Crimson Altar, The Crimson Cult, Night After Night After Night, Camille 2000, Little Mother, Slave Trade In The World Today, Taboos Around The World, Macabro, Pornography In Denmark, Grolsch Beer (2 versions), Female Animal, Tales Of The Deans Wife, The Minx, You All Come, Kama Sutra (2 versions), Sexcapade In Mexico, The Dirty Mind Of Young Sally, The Doberman Gang, Evil In The Deep, The Dog, The Pack, Barracuda, Survive!, Tintorera, Black Angels, Devil Rider, Outlaw Riders, Road Of Death, Mark Of The Vampire/The Mask Of Fu Manchu/Dr Jekyll & Mr Hyde, The Frozen Death/It!, Frankenstein Meets The Space Monster/Curse Of The Voodoo, American Fever, Record City, Peter Stuivesant, Das Lied Der Balalaika, Les Petites Filles Modèles, Sweet Jesus Preacherman, Honky, The Blood Rose, Fright, Superchick, Deep Throat Part II, Little Laura & Big John, The Creeper, Rituals, Teasers Go To Paris, Hots, Cinderella, The Student Story, Commuter Husbands, Sixteen, Invasion Of The Bee Girls, The Town That Dreaded Sundown, The Diamond Mercenaries, Dr Butcher M.D., Emanuelle Françoise, Emanuelle And The Last Cannibals, The Grim Reaper.

JOHN BRAHM : TRILOGY OF TERROR

Il faut tirer un grand coup de chapeau à la 20th Century Fox qui vient d'exhumer trois chefs d'oeuvres oubliés du cinéma d'épouvante des années 40. Imaginez un croisement entre l'univers des thrillers toujours très inspirés d'ALFRED HITCHCOCK, et celui du cinéma fantastique envoûtant et crépusculaire de JACQUES TOURNEUR, et vous obtiendrez un cinéma onirique très proche de la dimension dans laquelle évolue l'esthète perfectionniste réalisateur JOHN BRAHM.
Si le très atmosphérique THE UNDYING MONSTER (1942) et son histoire de loup garou égaré sur la lande, rappelle un peu le cinéma fantastique de la même époque produit par l'Universal, THE LODGER (1945) adaptation d'un film d'ALFRED HITCHCOCK revisitant le mythe de Jack l'éventreur, et HANGOVER SQUARE (1945) s'inscrivent quand à eux, au panthéon d'un cinéma noir digne d'un ROBERT SIODMACK. Avec sa très forte présence à l'écran, LAIRD CREGAR, héros maudit de ces deux derniers opus, impose un jeu de scène théâtral et emphatique, préfigurant les rôles qu'incarnera VINCENT PRICE quelques années plus tard. Ce dernier reprendra d'ailleurs à la radio, pour un hommage appuyé, les personnages que Cregar avait personifié avec tant de charisme dans THE LODGER et HANGOVER SQUARE (ces deux émissions de radio sont proposées dans les bonus de cette trilogie DVD).
Ce coffret ravira ainsi tout autant les inconditionnels du film noir des années 40 que les adeptes de l'âge d'or du cinéma fantastique des grands studios hollywoodiens.

BLACK EMANUELLE'S BOX

Séverin, petit éditeur américain spécialisé dans le cinéma érotique des années 60/70, vient de sortir son deuxième coffret BLACK EMANUELLE, incluant, comme le précédent, trois séries B et une compilation de thèmes bien groovys, extraits de trois fameux soundtracks que NICO FIDENCO a consacré à la journaliste la plus nymphomane du cinéma italien.
BLACK EMANUELLE / WHITE EMANUELLE cache le très arty et très abscons VELLUTO NERO, un nudie racoleur pseudo intello tourné en Egypte par le scénariste de FELLINI, BRUNELLO RONDI. Il faut préciser que malgré son retitrage trompeur, ce long métrage assez soigné dans sa photographie, n'a rien à voir avec la série originale dédiée à la reporter noire (l'héroïne s'appelle ici Laura et non pas Emanuelle).
Avec son intrigue dès plus intimiste, ses décors new yorkais flirtant parfois savoureusement avec l'univers des téléfilms seventies un peu cheap, et un budget moindre, le plus pop et plus psychédélique EMANUELLE NERA 2, pour lequel, une fois n'est pas coûtume, LAURA GEMSER cède la place à la pulpeuse novice SHARON LESLEY, diffère lui aussi des sexploitations exotiques tournées par la sculpturale égérie indonésienne.
LA VIA DELLA PROSTITUZIONE, dernier des cinq épisodes de BLACK EMANUELLE tourné par JOE D'AMATO (à noter que tous ces épisodes sont maintenant disponibles en DVD), offre quand à lui une plongée au coeur d'un cinéma d'exploitation, capable de se renouveler ici finalement assez peu, il faut bien l'avouer, par rapport aux précédentes excursions du duo de globe-trotters GEMSER/D'AMATO. Gageons que les inconditionnels de cette série y trouveront de toute façon toujours leur compte, pour une aventure qui, des steppes africaines à la jungle urbaine américaine, tente de jouer une fois encore la carte du dépaysement...
Pour l'aspect technique du coffret, on notera à regret que seul VELLUTO NERO propose une piste son italienne, alternative au doublage anglais toujours très ringard, et on se désolera de constater, que par manque de place, Severin a choisi une fois de plus d'amputer d'un grand nombre de compositions les soundtracks si fabuleux de NICO FIDENCO.
A défaut de proposer de très grands films de genre, ce coffret sympathique aura certainement le mérite de faire revivre aux nostalgiques d'un certain cinéma érotique, les souvenirs enfouis de la période fastueuse des projections de cinéma de quartier.

GRINDHOUSE DOUBLE FEATURE

L'éditeur américain BCI continue de piocher dans le catalogue de feu CROWN PICTURES INTERNATIONAL, un petit distributeur indépendant qui s'était notamment spécialisé dans les seventies dans la production de films de drive-in à petits budgets. L'excellent DVD PICK UP / THE TEACHER nous avait particulièrement enchanté il y a quelques mois... On ne change pas une formule qui gagne, la série continue donc avec son packaging Grindhouse flashy, et ses double-programmes ostensiblement orientés vers le cinéma des teenagers de la côte ouest californienne. Après avoir soigneusement écarté les quelques comédies sexploitation crétines récemment parues dans la collection, nous avons sélectionné deux nouveautés qui nous ont semblé plus intéressantes.
Le binome très inégal THE HELLCATS / CHAIN GANG WOMEN, vaut surtout le détour pour son film de bikers, à condition d'être un inconditionnel du genre, car on est malgré tout bien loin ici d'égaler ce qui s'est fait de mieux dans le Hells Angels movies. Le film de taulards qui complète le programme se révèle quand à lui en revanche très médiocre, malgré une bande son rock blues assez intéressante, et une utilisation intensive du split screen (technique qui consiste à diviser l'écran, pour montrer plusieurs plans en même temps) dès plus curieuse.
La sélection POLICEWOMEN / LAS VEGAS LADY, qui remporte notre préférence, permet de redécouvrir deux incunables du cinéma bis au féminin, dans un format d'image enfin respecté, un détail qui n'est pas négligeable. C'est tout un programme de charme et de choc qui est présenté sur ce second disque, dans lequel on retrouve SONDRA CURRY et JEANNE BELL (TNT JACKSON) se disputant la palme d'or de la plus mauvaise bad girl du nanar kung fu Z, tandis que STELLA STEVENS, entichée de son playboy baroudeur de service, STUART WHITMAN, prépare le casse du siècle dans la célèbre capitale américaine du jeu.
Intello s'abstenir, car on n'a certes pas ici à faire à du grand cinéma d'auteur, mais il est certain que ces deux double programmes à l'ancienne, qui proposent comme à l'habitude, en entracte bonus, une bonne brochette de bandes annonces bien bis, sauront égayer de belles soirées potaches entre potes...

TEMPTRESS OF A THOUSAND FACES

Certains se souviendront sans doute que le réalisateur CHUNG CHANG-WHA était venu présenter, il y a quelques années en salle sur Paris, une projection de TEMPTRESS OF THOUSAND FACES, délicieuse parodie pop de nos chers films d'espionnage, conçue comme une aventure de FANTOMAS au féminin.
Celestial Pictures avait édité il y a quelques années un VCD de cette dynamique comédie policière, mais il manquait encore à ce jour la réédition DVD digne de ce nom. Un oubli désormais réparé par l'éditeur français Wildside, qui contre toute attente, a osé le pari de sortir il y a quelques semaines, en complète exclusivité mondiale, dans sa collection Les Essentiels Shaw Brothers, ce petit joyau psychédélique des sixties. Ne passez pas à côté...

CINQ COLONNES A LA UNE

Premier grand magazine d'information de la télévision française, CINQ COLONNES A LA UNE aura tenu le haut du pavé médiatique pendant dix ans, en traversant ainsi les années 60 aux travers de 103 émissions qui auront distillé sur le petit écran, avec une très grande liberté de ton et une totale indépendance éditoriale par rapport au pouvoir politique en place, un certain regard sur le monde. Une formule à succès maintes fois reprise par la suite, qui continuera ainsi d'inspirer des décennies plus tard des émissions de reportages à succès comme ENVOYE SPECIAL.
Avec plus de 16 heures de programmes, l'INA vient d'éditer une compilation gargantuesque de ce rendez-vous phare de la RTF, regroupant plus de 50 reportages signés par quelques grands noms du journalisme et des médias, comme PHILIPPE LABRO ou IGOR BARRERE.
Ce coffret 5 DVD au contenu très éclectique, destiné à toute la famille, dresse un portrait souvent franchouillard et caustique (on comprend bien ici que le syndrome du français raleur n'est pas une légende...), mais aussi parfois émouvant, de notre chère France profonde, bourgeoise ou rurale des années 60. Avec ses interrogations, ses réussites et ses échecs, c'est toute la société en pleine mutation des trente glorieuses qui vient s'exprimer ici, au détour de nombreux témoignages, qui évoquent avec une clairvoyance rare des sujets sensibles comme la guerre d'Algérie, l'avortement, ou les méfaits de l'urbanisme. Au vu de toutes ces images extirpé d'un passé en noir et blanc un peu désuet, on mesure mieux aujourd'hui tout le chemin accompli à travers l'évolution sociale de ces cinquante dernières années.
Avec cette grosse anthologie, il y en a donc pour tous les goûts ici, et si par exemple la rubrique people très fournie, mais trop vieille écôle, n'a personnellement guère déclenchée notre enthousiasme, en revanche nous avons particulièrement apprécié les reportages fashions ou urbains du toujours très talentueux WILLIAM KLEIN, véritable esthète de l'image.
Au meilleur de cette rétrospective, nous avons également sélectionné le moyen métrage oscarisé, consacré à la guerre du vietnam, intitulé LA SECTION ANDERSON (1967), et les quatre superbes documentaires retraçant la condition des noirs-américains aux Etats Unis, et offrant pendant plus d'une heure un portrait unique en son genre sur Harlem, l'émergence du militantisme black power, et la vie dans le ghetto de Watts des sixties.

ASIA-POL : NIKKATSU MEETS SHAW BROTHERS

Le jeune premier JIMMY WANG YU affrontant le méchant JO SHISHIDO, dans nos rêves les plus fous, nous n'aurions jamais osé imaginer la possibilité d'une telle rencontre... C'est pourtant bien l'affiche proposée par cette co-production SHAW BROTHERS / NIKKATSU unique en son genre, réalisée en 1967 par le talentueux japonais AKINORI MATSUO, qui nous avait déjà fortement emballé avec son superbe LADY PROFESSIONAL.
Quand la firme la plus culte de Hong Kong rencontre ainsi le studio le plus déjanté du pays du soleil levant, pour un film d'espionnage haut en couleur, émule des meilleurs JAMES BOND de l'époque, il va s'en dire que c'est l'action qui est placé au plus haut niveau du divertissement, pour satisfaire tous les critères d'excellence d'un cinéma populaire au sommet de son exigence.
Un coup de chapeau donc à Celestial Pictures, qui nous offre ici une des sorties DVD essentielles du mois.

SHOCKUMENTARY EXTREME COLLECTION

Pour tous ceux qui n'ont pu se payer le luxe de visionner il y a quelques années le coffret 8 DVD, THE MONDO CANE COLLECTION, vendu il faut bien l'avouer, un prix assez exhorbitant, Blue Underground vient de rééditer sous forme de trois mini-coffrets Shockumentary, l'ensemble du pack dédié à la quasi-intégralité (il manque juste MONDO CANDIDO) de l'oeuvre sulfureuse du duo GUALTIERO JACOPETTI et FRANCO PROSPERI.
On ne s'étalera volontairement pas ici sur les célèbres MONDO CANE, ancêtres gentillets de la série sentionnaliste malsaine FACE A LA MORT, car il faut bien reconnaître que ces documentaires pseudo-ethnographiques à succès du début des sixties, ont assez mal supporté les outrages du temps. Deux autres titres de la collection méritent en revanche que l'on s'attarde d'avantage sur leurs contenus, souvent jugés politiquement très incorrects...
AFRICA BLOOD & GUTS, version américaine tronquée (mais présentant des scènes inédites) d'AFRICA ADDIO (1966), n'est qu'un prétexte à aligner sur un ton emphatique très gratuit, les pires scènes d'horreur extirpées du director's cut du film, et remontées sur un ton très cinéma d'exploitation. Il va donc sans dire que la version italienne originale du film, plus politisée dans sa narration, est donc à privilégier ici, si tant est que vous souhaitiez vous risquez dans une plongée au plus profond du sordide...
Si il est un talent, qu'il faut bien reconnaître à JACOPETTI & PROSPERI, c'est bien celui de faiseur d'images, on se laisse ainsi très vite hypnotiser par toute la beautée et la sauvagerie de la photographie splendide qui baigne les 139 minutes de cette odyssée dévoilant une Afrique en pleine mutation. Avec AFRICA ADDIO, ce n'est donc pas tant sur la forme, mais plutôt sur le fond qu'il y aura matière à débat...
On peut en effet se demander de prime abord ce qui a poussé ces deux réalisateurs, véritables descendants de nos chers COOPER & SCHOEDSACK, à se lancer dans une aventure aussi risquée. Les deux hommes ayant échappés de peu à la mort au cours du tournage, on ne peut leur nier une certaine dose de courage, pour ne pas dire une sacré part d'inconscience, à la connaissance des risques encourus sur le terrain.
L'intention de départ de nos deux aventuriers était louable, quoiqu'un peu naïve, mais était-il besoin d'accoucher d'une pareille oeuvre pour arriver à démontrer que dans un domaine où la folie meurtrière des hommes n'a d'égale que leur cupidité, la réalité dépasse de très loin la fiction ?
Au vue de telles images, AFRICA ADDIO déconcerte, c'est le moins que l'on puisse dire, les pires scènes de boucherie ne nous étant pas épargnées sur une durée de deux heures, on pourra se demander où s'arrête le travail de journaliste, et où commence le sensationalisme ? Sans faire du révisionnisme, faut-il pour autant accepter tout ce que l'on nous jette en pâture, comme un témoignage historique, alors qu'une partie de ce qui est filmé ici semble clairement bénéficier d'une certaine mise en scène : un peu comme quand COPPOLA nous balance du Wagner sur des scènes de bombardements au napalm, pour nous donner à réfléchir sur notre statut voyeuriste, face aux pires absurdités de l'humanité.
Au prix d'un travail d'investigation sur le terrain que l'on imagine des plus acharnés, notre duo de cinéastes se trouve toujours aux avant-postes, pour capturer les pires carnages animaliers, montrer en gros plans les génocides humains et autres exécutions sommaires (l'une de ces exécutions, qui semble avoir été préparée dans le but d'être filmée, prête aisément à la controverse...), avec au bout du compte un certain goût pour la surenchère dans la violence carnassière, tempéré par de trop rares moments d'accalmies où la terreur à l'écran cède la place à un humour satyrique cynique des plus percutant (la scène de distribution de sous vêtements avec la découverte d'un nouveau féminisme à l'africaine, la scène du safari photo avec les vieilles anglaises filmant dans son intimité le lion, roi des animaux déchu...).
Pour conclure, on dira que ce qui nous gêne le plus dans AFRICA ADDIO, ce n'est pas tant ce qui nous est montré à l'écran, mais plutôt le message universaliste très simpliste qui en découle par derrière, avec cette morale horripilante qui s'attache à essayer de prouver que les blancs et les noirs sont à parts égales, autant responsables des pires horreurs... Il y a ici des allusions forts déplaisantes du narrateur sur la mort du colonialisme, derrière lequel on sent bien pointer un certain regret pour l'Afrique de grand papa... On est dans les années 60 certes, et il faut donc savoir replacer le film dans son contexte politique, mais tout de même, rarement un reportage n'aura dévoilé une idéologie aussi raciste, tout en essayant de nous faire croire avec un ton faussement paternaliste que ça n'est pas le cas...
C'est certainement pour répondre à toutes ces critiques, que PROSPERI et JACOPETTI se sont lancés dans le tournage d'ADDIO ZIO TOM (1971), qui possède lui aussi d'incroyables qualités plastiques, et une mise en scène "felliniesque" des plus hallucinantes.
Cette dénonciation de l'esclavage, filmée en Haïti, propose dans sa version anglaise un montage très différent du director's cut d'origine, s'appuyant plus à nous offrir une relecture (très personnelle) du despotisme dans les états du vieux sud, mais si les deux versions proposent chacunes leurs lots de scènes inédites, on s'interessera une fois encore plus à l'oeuvre italienne, plus délirante dans sa forme, et volontairement montée comme un gros produit d'exploitation. Exploitation, oui le mot est encore laché, car là aussi FRANCO PROSPERI et GUALTIERO JACOPETTI échouent à nous montrer une image digne et crédible d'un sujet hautement sensible, qui tient donc plus ici de l'univers des plantations sexploitation trash de MANDIGO que du témoignage plus consensuel façon ROOTS (RACINES) d'Alex Haley.
On se demandera d'ailleurs comment tous ces figurants noirs exhibés à l'écran comme des hordes bestiales, serviles et décérébrées, ont pu se laisser filmer dans des situations aussi dégradantes. Un tel long métrage n'aurait jamais pu être tourné aux Etats Unis, et on imagine donc bien ici comment les réalisateurs ont pu bénéficier de toute la bienveillance du régime du dictateur haïtien Duvalier, bien trop content de pouvoir porter un coup de propagande envers son ennemi impérialiste américain.
ADDIO ZIO TOM qui s'annonce au départ comme un documentaire fiction particulièrement détaillé sur les horreurs coloniales du vieux sud, sombre ainsi très vite dans un cinéma bis des plus décalé, incluant nombre de scènes de bacchanales, où viennent s'entrechoquer les fanfaronneries d'un nain grimaçant, gardien d'un harem de nubiles à la peau ébène, et les vendettas urbaines sanglantes d'une escadre de militants black power, maniant la hache dans un Miami seventies encore très sectaire.
Faut-il vraiment le signaler, la photographie est une fois de plus somptueuse, les cadrages totalement délirants et très inventifs, et le gros soundtrack de RIZ ORTOLANI, obsédant et infectieux, fait lui aussi bien des merveilles... Ainsi, voici donc là encore un film qui, à défaut de remplir ses promesses militantes initiales, ravira assurément les adeptes d'un cinéma déjanté et provocateur.
Réservé à un public très averti, ces deux oeuvres très particulières sont à ne pas mettre entre toutes les mains, vous l'aurez bien compris, après les avoir visionnées avec le recul et toute la réflexion nécessaire qui s'impose...

WET SAND IN AUGUST

On ne sera pas surpris de découvrir une fois de plus la signature de TOSHIYA FUJITA derrière HACHIGATSU NO NURETA SUNA, un petit "J.D. movie" (film de délinquence juvénile) un peu fauché, qui vient s'inscrire dans la droite lignée de WILD JUMBO et BEAT 71, les deux épisodes très beach movie de STRAY CAT ROCK, déjà réalisé la même année par notre chantre de la culture hippie japonaise.
Pour les inconditionnels de la NIKKATSU, qui ont eu la chance de découvrir récemment en projection à Paris, sur grand écran, à la Maison de la Culture du Japon, ce rejeton beatnik de Contes Cruels De La Jeunesse, signalons l'existence d'un DVD japonais, édité dans la collection Nippon 70s Graffitti, et présenté en binome avec un CD soundtrack qui donne tour à tour la part belle aux violons nostalgiques et aux tempos jazz funk.

THE MOD SQUAD en DVD

La belle équipe que voilà ! Paramount vient de rééditer en DVD les aventures du trio de policiers californiens le plus hype de la télévision des sixties, Pete Cochran (MICHAEL COLE) le fils de bonne famille, Lincoln Hayes (CLARENCE WILLIAMS III) le jeune activiste du ghetto de Watts, et Julie Barnes (PEGGY LIPTON) la jolie beatnik.
Raison commerciale oblige, ce premier opus ne regroupe malheureusement que les 13 premiers épisodes de la série, soit la moitié d'une première saison qui permet déjà de retrouver quelques guests stars de renoms comme ADAM ROARKE, MAX JULIEN, JUDY PACE, ROBERT DOQUI, DABNEY COLEMAN ou encore LOU GOSSETT... Inutile de dire qu'on attend la suite avec impatience, en espérant dans un futur proche voir débarquer une intégrale des cinq saisons.

TARZAN ISTANBULDA

Il était une époque où dénicher un film turc tenait un peu de la quête du Graal, puis vint Onar Films, un éditeur grec spécialisé dans le turkish movie perdu, et tous nos rêves de bisseux démoniaques furent comblés : il se mit à pleuvoir des films de super héros et d'épouvantes made in Istanbul, sortis d'on ne sait où... C'était même à se demander comment l'homme qui se cachait derrière ce label arrivait à rentrer dans ses frais, vu la teneur très kitsch du catalogue distribué.
TARZAN ISTANBULDA est le dernier disque en date sorti chez Onar, et limité une fois de plus à 1200 exemplaires, mais on peut penser que pour cet OVNI là, en écouler une telle quantité tiendra surement de l'exploit.
La copie proposée ici est tirée, parait-il, des meilleures éléments en circulation : comprenez en fait qu'elle est totalement floue, et affiche ainsi une définition des plus médiocre, mais apprenez aussi que c'est souvent une constante avec ce genre de cinéma turc des plus sinistrés.
Sur le fond, TARZAN ISTANBULDA n'est qu'un vulgaire plagiat des deux premiers TARZAN produit par la MGM, et incarnés par le fameux JOHNNY WEISSMULLER. Le film d'ORHAN ATADENIZ, qui entasse les stock shots animaliers, se révèle assez fade et particulièrement statique, en comparaison de son cousin américain, mais l'ensemble a cependant été réalisé avec un certain sérieux qui peut décontenancer, là où l'on aurait pu s'attendre à du gros Z qui tâche bien. On notera que cette série fauchée exotique sans saveur, qui s'emploie à essayer de calquer avec un certain respect son modèle hollywoodien, a été tournée en 1952, et c'est sans doute là le seul grand intéret de cette réédition, l'âge vénérable affiché par ce petit remake nous transporte directement dans la préhistoire d'un cinéma populaire turc à jamais révolu.